Meghan Beth Carstairs

>> Everything that drowns me makes me wanna fly <<

« Viens j'te dis, on craint rien ! »
Grisée par l'adrénaline, tu fais un pas de plus vers le bitume. C'est sûrement ce que tu aimes le plus dans ses simulations - l'excitation, l'impression d'être invincible, la dimension immense des possibles. Jetant un coup d’œil par dessus ton épaule, tu fais un signe de tête pour inviter ton amie à te suivre. La brune se crispe davantage en te suppliant de revenir. Bizarre. Tu es pourtant persuadée que tu pensais à Sloane quand tu as pris cette énième pilule. A croire que tu n'y as pas songé assez fort. Ignorant le seul détail qui aurait du t'alarmer, tu hausses des épaules en avançant de plus belle vers la route. Les voitures se suivent à une vitesse affolante ; mais aucune ne semblent t'avoir remarqué. « Meg ! Arrête de jouer à ça on est pas en train de rêver ! » La remarque te stoppe momentanément. Tu jettes un coup d’œil autour de toi. Bien sûr que tu rêves, tu n'es pas stupide au point. Tu sais que quoi qu'il arrive, tu te réveilleras dans ton appartement, à deux pas de chez tes parents. Tu as déjà tout testé ; tu ne crains absolument rien ici. Rien du tout. Pas même la vitesse des véhicules qui fait voltiger les pans de ta veste. « Si tu ne me crois pas ... » Le reste de la tirade ne te parviens pas ; tu t'es déjà ruée sur en plein milieu de la route pour lui prouver que tout va bien. Des phares t'éblouissent les yeux, tu fermes les paupières sans même anticiper le choc. Tu sens déjà l'odeur de lessive qui imprègne les draps dans lesquels tu t'es endormie et ... Soudain, des crissements de pneus trop tardifs, un cri strident à ta droite, une pression sur tes côtes, tes pieds décollent du sol. Tu te retrouves projetée sur le bas-côté sans trop comprendre. Alors que tu tentes de te relever, une paire de bras enroulées autour de toi t'en empêches. L'incompréhension te plombe le crâne ; tu as juste le temps d'apercevoir le brun qui s'est jeté sur toi pour t'écarter de la voie sortir son téléphone pour appeler les urgences. La minute d'après, tu t'évanouis.

« Alors, hâte de sortir d'ici ? »
Répondant à ta mère d'un sourire faussement éclatant, tu termines de boucler tes affaires. Presque un an que tu es coincée ici avec tous les fous de la ville, bien sûr que tu as hâte. Alors que tu attrapes ta trousse de toilette, une des dernières pilule qui te restes t'échappes des mains. Trop occupée à débattre toute seule sur la qualité des services de l’hôpital, ta mère n'a rien vu du tout. Heureusement pour toi. Rattrapant ton erreur avant de la cacher, tu fais comme si de rien n'était. Si les médecins l'apprenaient ... Tout est à parier que tu finiras aussi sec sanglée à un lit. « Oh, j'ai oublié de te le dire ! Sloane est rentrée d'Afrique hier, le timing parfait hein ? » Pour la peine, tu es réellement heureuse cette fois-ci. Plaquant une main sur ta bouche pour contenir ta joie, tu cours vers ta génitrice pour lui plaquer un baiser sur la joue. « Pourquoi tu ne me l'as pas dis plus tôt ! Oh, faut que je pense à inviter Dan' pour qu'elle le rencontre, tu crois qu'il sera libre ? » Un silence, elle t'observe en fronçant des sourcils. Tu ne comprends pas où est le lapsus. « Meghan, tu sais bien que Monsieur Lewis est ton médecin, rassure moi. » Éludant la question d'un rire, tu lèves les yeux au ciel  « Et alors, aucune loi ne m'interdis de sortir avec mon médecin, non ? Au fait, quand est-ce que je reprends le travail ? Et ne me dis pas que j'ai été remplacé, on est pas des masses de cardio-chirurgien par ici ! » Cette fois-ci, elle a l'air définitivement inquiète. Alors qu'elle recule vers la porte, tu suis du regard la trajectoire de sa main. Non. Tous sauf l'interphone.  « Maman ... Maman s'il te plait non, je vais bien, je te jure, qu'est-ce que j'ai fais de mal là ? Maman, je sais que c'est la réalité, là, maintenant pitié ne les appelle pas ... » T'ignorant royalement, elle abat son pouce sur l'interrupteur. Les infirmières envahissent la pièce. Des mains t'agrippent les bras, les plaquant contre ton dos lorsque tu essayes d'atteindre ta mère. Des larmes de colère coulent sur tes joues. « Je vais bien, je vais bien j'vous dis, Maman pitié dis leur que je vais bien ! Me laisse pas là, je t'interdis de me laisser là tu m'entends ?! J'veux voir Sloane, m'empêche pas de la voir je t'en supplie tout sauf ça. Reviens ! » Une aiguille se plante dans ton bras ; ta vision se brouille. Balançant ton corps pour te libérer, tu n'arrive qu'à récolter quelques bleus contre les os qui te tiennent fermement. Ta mère disparaît brutalement derrière la porte claquante, emmenant ta conscience avec elle.